Seonna Hong et Cognitive Dissonance : des paysages abstraits qui pensent (et qui ressentent)

Il y a des tableaux qui décorent. Et puis il y a ceux qui vous regardent en retour, l’air de dire : « Alors, on fait semblant que tout va bien ? ». Avec Cognitive Dissonance, la peintre Seonna Hong transforme l’époque – ses tensions, ses contradictions, ses “trop” et ses “pas assez” – en paysages abstraits habités. Pas des paysages “jolis” au sens carte postale : plutôt des climats intérieurs, des météos émotionnelles, où l’on avance comme dans un rêve lucide, à mi-chemin entre apaisement et alerte.

seonna-hong-et-cognitive-dissonance-1


« Sonder »

La dissonance cognitive, version peinture

En psychologie, la dissonance cognitive désigne l’inconfort mental qui apparaît quand nos croyances se contredisent, ou quand nos actes ne collent plus avec ce qu’on pense. Bref : le cerveau qui grince.

seonna-hong-et-cognitive-dissonance-2
« The Collision of Truths »

Hong ne l’illustre pas avec des symboles lourds. Elle la fait sentir. Le contraste est souvent le même : de petites figures silencieuses, presque neutres, posées dans des environnements abstraits puissants — ciels striés, roches dentelées, atmosphères qui semblent bouger. On a l’impression d’une présence calme au milieu d’un monde qui, lui, n’a pas pris de vacances.

seonna-hong-et-cognitive-dissonance-3


« Saudade »

Une artiste venue de l’animation (et ça change tout)

Seonna Hong n’est pas arrivée à la peinture “par hasard”. Basée à Los Angeles, elle a travaillé plus de vingt ans dans l’animation (TV et cinéma) et a reçu un Emmy Award pour son travail sur My Life as a Teenage Robot (distinction liée à la production design / background styling selon les bases).

Ce passé se lit dans ses compositions : l’œil circule naturellement, comme guidé par une mise en scène discrète. Même l’abstraction a une dramaturgie. On ne “décode” pas : on traverse.

seonna-hong-et-cognitive-dissonance-4
« Eudaimonia »

Matière, geste, et “lavis quiltés” : la technique au service du vertige

L’exposition (Hashimoto Contemporary, New York) insiste sur un point passionnant : les toiles alternent des moments d’overdose et des moments de reprise de contrôle. Hong jette, racle, pousse la peinture quand l’émotion déborde… puis ralentit, jusqu’à des couches fines, délicates, décrites comme des lavis “quiltés” appliqués avec une précision presque méditative.

Techniquement, le choix des matériaux n’est pas anodin : plusieurs œuvres sont réalisées en acrylique et pastel gras sur toile brute.
La toile non préparée boit davantage les médiums aqueux (effet de “stain” possible avec l’acrylique), tandis que le pastel gras – plus cireux – peut rester en surface, accrocher la lumière et tracer des accents nets. Résultat : une profondeur qui n’est pas seulement optique, mais stratifiée, comme si le tableau gardait la mémoire de ses hésitations.

La galerie évoque aussi un parallèle avec le bojagi, tradition textile coréenne d’assemblage : une abstraction “fonctionnelle” qui répare autant qu’elle coupe. C’est exactement ce que ces peintures donnent : des fragments qui s’ajustent… sans jamais se fondre complètement.

seonna-hong-et-cognitive-dissonance-5
« The Dictionary of Obscure Sorrows »

Des titres comme des mots de passe

Dans la liste des œuvres, on croise Sonder, Saudade, Aporia, Psithurism, The Dictionary of Obscure Sorrows… des mots qui nomment des sensations difficiles à attraper.

Ces titres ne “décrivent” pas l’image : ils l’ouvrent. Et les personnages, présentés comme des “ancres” ou des “témoins” (parfois l’artiste, parfois personne en particulier), vous laissent un espace très rare : celui de projeter votre propre histoire sans mode d’emploi.

seonna-hong-et-cognitive-dissonance-6


« Laotong »

Infos expo

Cognitive Dissonance est montrée chez Hashimoto Contemporary NYC (54 Ludlow Street, Lower East Side), avec une ouverture le samedi 13 décembre 2025. L’exposition est annoncée du 13 décembre 2025 au 10 janvier 2026.

seonna-hong-et-cognitive-dissonance-7
« Cognitive Dissonance »

Pour continuer la balade onirique sur dessein-de-dessin

Si vous aimez ces œuvres où la réalité se fissure avec élégance, vous pouvez aussi explorer :
Les créations de Boris Indrikov/
Les énigmes de Angela Burson
• ou les peintures de peintures de paysage par Neil Simone

Sources pour aller plus loin

• Le site web de l’artiste
• Son compte Instagram
• Le site de la galerie Hashimoto Contemporary
My Modern Met
ArtGuide
Joan Mitchell Fondation

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *