Les peintures en grille ont un truc magique : elles vous montrent la mécanique et le mystère en même temps. De loin, on voit un visage, un paysage, une scène calme. De près, tout se déconpose en carrés, rectangles, losanges, aplats de couleur. C’est là que Stelios Pupet est fort : sa grille n’est pas un simple outil de report, c’est le sujet caché du tableau. Elle devient une texture, un rythme, une manière de faire respirer l’image — comme si le réel passait au travers d’un tamis géométrique… mais un tamis poétique (oui, ça existe).
Quand la grille devient un langage pictural
Traditionnellement, une grille sert à “mettre au propre” un dessin : on quadrille, on copie, puis on efface. Dans les peintures en grille de Pupet, c’est l’inverse : la trame reste visible et assume son rôle. La grille structure le tableau, impose une cadence, mais elle ne verrouille pas tout. Pupet joue avec des variations de taille, d’orientation et de teintes, ce qui évite l’effet “papier millimétré” et crée un rendu vivant.
Ce qui frappe, c’est le pouvoir d’assemblage de votre cerveau : il reconstruit les volumes à partir de fragments. Un peu comme une compression d’image, mais en version artisanale, noble, et surtout sans artefacts moches (vos yeux font le calcul, et ils sont plutôt bons en général).
Portraits, nature, silence : un figuratif qui se laisse deviner
Le figuratif de Pupet n’est pas un figuratif agressif. Beaucoup de sujets dégagent une sensation de pause, de calme, parfois d’étrangeté douce. La grille y contribue : elle met une légère distance avec le réel, comme un voile. Le visage n’est pas “dessiné” par des contours noirs ; il apparaît par contrastes de valeurs, par voisinages de couleurs, par petites marches de dégradés.
Dans les scènes de nature, l’effet est encore plus séduisant. Feuilles, ciel, pelage, eau : la grille transforme les textures organiques en mosaïque contemporaine. On garde la sensation du vivant, mais avec une logique de construction presque architecturale. C’est précisément ce mélange — nature et structure — qui rend ces peintures en grille si addictives à regarder.
Petit encadré technique : pourquoi ça marche visuellement ?
La réussite d’une peinture en grille tient souvent à trois paramètres :
• D’abord, la hiérarchie des valeurs (clair/moyen/foncé). Même si les couleurs sont nombreuses, c’est la valeur qui “sculpte” les volumes.
• Ensuite, la gestion des transitions : une grille trop brutale casse la lecture ; une grille avec des “marches” progressives (valeurs proches) laisse le sujet se former naturellement.
• Enfin, la fréquence de la trame : plus les carrés sont petits, plus l’image se lisse à distance ; plus ils sont grands, plus l’effet graphique domine.
Pupet navigue entre ces effets plutôt que de s’enfermer dans un seul.
En clair : ce n’est pas du pixel art au sens strict, c’est une peinture qui utilise la logique du pixel… sans perdre la main du peintre.
Grille et émotion : une géométrie qui ne refroidit pas
Le piège de la géométrie, c’est de devenir froide. Ici, ça ne prend pas. Pourquoi ? Parce que la couleur n’est pas utilisée pour “remplir” : elle sert à suggérer une atmosphère. Les palettes oscillent entre harmonies douces et contrastes contrôlés, avec cette impression que la grille retient juste assez d’information pour que le regard complète le reste.
Et c’est peut-être ça, le charme ultime des peintures en grille : elles vous rendent complice. Le tableau n’est pas seulement une image finie, c’est une expérience de perception. Vous passez votre temps à alterner distance et proximité, comme si vous régliez vous-même la mise au point.
Si ce style vous parle sur dessein-de-dessin…
Si vous aimez cette façon de faire vibrer la couleur à l’intérieur d’une structure, vous pouvez aussi jeter un œil à :
• Daniel Mullen et ses compositions géométriques jouant sur lignes et synesthésie.
• Les ambiances “pixellisées” de Jason Anderson.
• Et, côté perception/déformation, Ben Ashton.
Sources pour aller plus loin
Toutes les images: crédits Stelios Pupet.
• Le site web de l’artiste ici.
• Son compte Instagram là
• My Modern Met
• Colossal
Peinture et pixel, découvrez également les créations pixellisées de Aldo Sergio.