Comment continuer à vivre quand les crises s’empilent comme des onglets de navigateur un lundi matin ? Avec Yesterday like today / Ayer cómo hoy, le peintre Elmer Guevara répond à sa manière : en compressant mémoire familiale, histoire collective et présent brûlant dans des scènes où la lumière dorée de Californie cohabite avec l’incendie.

“Couple Hours after 3:15pm” (2025)
Né (1990) et grandi à South Central Los Angeles, Guevara raconte un territoire marqué par l’arrivée de ses parents, qui ont fui la guerre civile au Salvador dans les années 1980, puis par le choc des émeutes de 1992 après l’acquittement des policiers ayant passé Rodney King à tabac. Dans ses tableaux, ces strates ne se succèdent pas : elles se superposent, comme si le passé était une couche active qu’on n’a jamais vraiment aplatie.

“Ghetto Bird View” (2025)
Ce qui frappe (au-delà des flammes), c’est la fabrication. Guevara intègre des histoires de presse : il collecte, “coud” et collage des fragments d’archives pour former des journaux “recomposés”, puis les fait entrer dans la toile par phototransfert (et souvent via oil + gel transfer sur lin : non, pas le gel coiffant, même si l’époque des années 90 pourrait le justifier). Résultat : l’actualité devient une texture, un bruit de fond matériel—et parfois un fantôme qui imprime la peau des personnages.

“Updates and Relief” (2025)
La grande force de la série, c’est ce contraste presque cruel entre danger et quotidien. Dans Couple Hours after 3:15pm (2025), l’heure du verdict de 1992 sert de titre : un homme pose avec une décontraction étudiée, devant une Volkswagen Coccinelle blanche, tandis que le quartier brûle derrière—comme si l’ordinaire avait appris à cohabiter avec l’extraordinaire. Le tableau joue aussi avec l’histoire de l’art (clin d’œil assumé à un portrait baroque de Domenico Fetti), pour rappeler que les “vanités” changent d’accessoires… mais pas toujours de logique.

Détail de “Couple Hours after 3:15pm” (2025)
Techniquement, la série a de l’ambition au mètre : The Get Down est annoncé comme une pièce “murale”, 95 × 167 pouces (≈ 2,41 × 4,24 m). Guevara y amalgame scènes de 1992 : tensions, pillages, fumée, mais aussi des enfants qui jouent et regardent. La palette évoque les maillots et couleurs pop des années 90, et l’artiste glisse même des signes quasi surnaturels (squelettes, chats noirs, créatures) pour montrer à quel point une ville en crise devient un théâtre de symboles.

“Playing With Fire” (2025)
Autre idée très “Guevara” : la lumière californienne. L’exposition insistait sur ce soleil qui rend tout beau—y compris ce qu’on préférerait ne pas voir. Et ses références à des peintres de la Bay Area (Wayne Thiebaud, Elmer Bischoff) éclairent cette couleur saturée, presque joyeuse, utilisée non pas pour adoucir le sujet… mais pour le rendre impossible à ignorer.

“Clapper 3” (2025)
L’exposition a été présentée à la Charlie James Gallery (Los Angeles), du 25 octobre au 6 décembre 2025. Si vous aimez quand la peinture contemporaine tord les codes du réel, vous pouvez aussi faire un crochet “maison” par dessein-de-dessin : par exemple Ben Ashton et ses distorsions modernes, les portraits distordus de James Bullough ou—plus léger mais pas si innocent—quand les mèmes deviennent de la peinture.

“Casualty” (2025)
Sources pour aller plus loin
Le site web de l’artiste
Son compte Instagram
Colossal
Charlie James Gallery
Squarespace